Crédit photo : Martin Parr
AviQuali nous annonce être « la seule solution certifiée pour avoir des avis sur vos produits le jour de leur sortie« . C’est bien sûr une offre B2B réservée aux retailers, c’est à dire aux professionnels du négoce.
Parmi l’argumentaire de vente, on retrouve la fameuse certification #NF522 vendue par AFNOR Certification. « des processus certifiés et audités par AFNOR garantissant l’objectivité et a qualité des avis ». On parle bien d’avis sur des produits qui ne sont pas encore commercialisés…
Parmi les clients d’AviQuali/Editum, des grands noms du retail (Discount, FNAC), du sport (Decathlon, Speedo), soins et beauté (Rochas, Guerlain, Maybelline, Revlon), du jouet (Lego, Smoby, Vtech), de l’édition (Nathan, Hachette, Dupuis). Bref, du client Grand Compte, pas l’autoentrepreneur du coin.
… et en bas de page, re-logo NF Service, certifié AFNOR « processus de collecte, modération et restitution des avis ». Mention bonus « Aviquali s’engage pour la véracité des contenus sur Internet ». On parle toujours d’avis sur des produits qui ne sont pas encore commercialisés.
… et combien ça coûte des avis antérieurs à la date de sortie du produit ? Pour le savoir cliquer simplement sur « Commander des avis ». Aucun complexe donc pour vendre des Avis sur des produits imaginaires… puisque ces produits ne sont pas encore commercialisés !
Moyennant la coquette somme de 106.46€, le particulier peut s’acheter une authentique Norme Z74-501. Le papier fait 22 pages, soit 6€ TTC la page tout de même, c’est un budget pour le consommateur curieux. On trouve quand même des paragraphes qui semblent très difficilement compatibles avec la proposition de valeur d’Aviquali.
Premier point : impossible selon la norme de collecter un avis avant l’achat, donc avant la sortie du produit.
"Lors de la collecte, le gestionnaire d’avis doit proposer à l’auteur de l’avis de répondre à des critères d’évaluation permettant de recueillir toutes informations propres à vérifier son expérience de consommation. Le gestionnaire d’avis doit s’assurer que l’avis n’est pas collecté avant l’acte de consommation. Il est essentiel de recueillir la date de consommation afin de la mettre en perspective de la date de collecte de l’avis."
Norme NF Z 74-501 - page 16, paragraphe 4.4.2 "Processus de vérification de l'expérience de consommation Tweet
Deuxième point : toujours selon la norme, il est impossible d’acheter des avis
"Le gestionnaire d’avis s’interdit toutes collectes ou publications d’avis issues d’opérations d’achat d’avis, effectuées par lui-même ou par un tiers, avec pour objectif d’influer sur l’évaluation globale du produit/service évalué."
Norme NF Z 74-501 - page 14, paragraphe 4.3.2 "Interdiction de l'achat d'avis" Tweet
Donc pour résumer :
- Aviquali collecte des avis avant la commercialisation d’un produit mais c’est interdit par la norme.
- Aviquali vend ces avis mais c’est interdit par la norme.
- Aviquali ne respecte pas la norme mais bénéficie d’un certification disant qu’elle respecte la norme.
Dans un sketch sur les publicitaires, les Inconnus disaient « il ne faut pas prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu’ils le sont ». Cette citation doit également être la devise des auditeurs AFNOR Certification… qui semblent avoir de la merde dans les yeux au point de ne savoir lire ni la landing page de leur client, ni le texte de la norme dont ils sont pourtant les garants…
[Cette pratique qui consiste à tromper le consommateur final en achetant de la confiance via des labels d’institutions reconnues du grand public nous évoque la crise financière de 2008. A cette époque tous les produits financiers contenant des prêt subprimes titrisés étaient pourtant labellisé AAA, c’est à dire sans risque… on connait la suite. Les agences de notation sont juges et parties puisqu’elles sont rémunérées pour fournir du label. C’est la même chose pour AFNOR Certification : il y a conflit d’intérêt.]
A ce propos le COFRAC, instance gouvernementale délivrant les accréditations aux privés comme AFNOR Certification, utilise un vocabulaire plus modéré pour qualifier la complaisance des auditeurs. Le COFRAC parle de « défaut d’intégrité »…
Le 11 mai 2020 via son compte Twitter, le COFRAC nous apprenait la sortie de son « guide anti-fraude » à destination des organismes d’inspection comme AFNOR Certification :
Le #Cofrac publie un nouveau document pour aider les organismes d'inspection accrédités à prendre en considération les risques liés aux défauts d’intégrité. Pour en savoir plus : https://t.co/JTjkPekpTv pic.twitter.com/NETDH8vCof
— Cofrac (@Cofrac_officiel) May 11, 2020

Le choix du vocabulaire et des éléments de langage est assez cocasse. On y apprend que « les activités d’inspection mettent en jeu les facteurs humains et organisationnels et à ce titre comportent des risques en matière d’impartialité et d’intégrité« . Parmi ces « facteurs conduisant à un comportement frauduleux » on peut lire :
La motivation : « pression internes et externes sur l’auditeur ». Les gros mots tels que pot-de-vin ou retro-commissions ont été écarté.
L’opportunité : « élément de contexte rendant la fraude possible ». Dans le cas de notre litige avec AFNOR Certification et le publicitaire Opinion System, une des failles exploitable est que le consommateur n’est pas le client de l’entreprise certifiée. En effet, AFNOR Certification vend du label NF522 à Opinion System qui est un gestionnaire d’avis. Et Opinion System vend ses services en B2B à des agences immobilières. Les avis sont pré-sélectionnés (par qu’ils soient bons) ou censurés (pour qu’ils ne soient pas mauvais), puis diffusés largement pour qu’ils influencent le comportement du consommateur final. Le client (l’agence immo) de l’entreprise certifiée (Opinion System) est donc très satisfaite d’avoir des #AvisClients sur-boostés par le gestionnaire d’avis… et le consommateur final n’aura quasiment aucun recours possible.
La justification : l’auditeur trouve une explication fumeuse pour justifier la fraude. Dans notre litige avec Opinion System, le service réclamation d’AFNOR Certification a déployé des trésors de créativité pour justifier du comportement de son auditeur :
- Censure pour « action en justice en cours« . C’est faux, aucune action en justice n’est en cours
- Censure pour « exclusion du panel de consomateurs« . Les locataires ne peuvent pas déposer un avis sur une agence immo. C’est faux, l’agence immo en question publie les commentaires des locataires… lorsqu’ils sont positifs bien sûr.
- Censure pour « date de l’expérience de consommation antérieure à la certification de l’agence« . C’est faux, des avis de locataires antérieurs sont également publiés.
- « il n’y a pas assez de cas comme vous« . Existence tacite d’un seuil de paintes à partir duquel les réclamations sont traitées.
- « des actions correctives seront mises en place« . C’est faux, le commentaire est toujours censuré. Les actions correctives sont purement fictives
Que risque donc l’auditeur fraudeur, ou pire le service réclamation qui ignore le traitement des plaintes du consommateur finale ? Pas grand chose si on en croit le chapitre 7.2.3 du doc INS-GTA-08…
Il convient que des dispositions et mesures soient définies pour traiter de manière appropriée les défauts d’intégrité avérés ou les signalements relatifs à des situations avérées impliquant l’amont ou l’aval du processus d’inspection. Dans le cadre de ces mesures, il convient que l’organisme analyse l’étendue des impacts et des conséquences de ces défauts d’intégrité sur les inspections réalisées. Toute situation rencontrée doit être traitée conformément aux dispositions relatives aux actions correctives et préventives (§ 8.7 & § 8.8 – NF EN ISO/IEC 17020 ) ou par un processus équivalent, en intégrant les éventuelles exigences de confidentialité pertinentes (données personnelles par exemple). Cette analyse doit également conduire l’organisme à statuer sur la nécessité de signalement aux autorités réglementaires, au Cofrac, ou à la conduite d’une action en justice Il est également souhaitable que certaines situations de défauts d’intégrité soient portées à la connaissance des autres parties intéressées (organisations professionnelles, clients, …).
COFRAC - INS-GTA-08, page 9, chapitre 7.2.3 "Réaction et traitement" Tweet
Oulala, c’est dur ça, le fraudeur « doit statuer sur la nécessité de signalement ». Et s’il décide qu’il n’y a rien à signaler ? Bin l’affaire est classée. Même son de cloche dans l’annexe II qui liste des exemples de « réactions et traitements » en cas de fraude…

C’est marrant, le retrait de la certification n’est même pas évoquée ! Frauder d’accord, mais on va quand même pas vexer le client en lui retirant brutalement ses certifications hein, il pourrait y avoir des conséquences économiques, l’emploi tout ça tout ça. Eh oui, dans le monde de la Qualité, c’est le client qui paie les organismes certificateurs. Et ne dit-on pas que le client est Roi ?
Sur la page Wikipedia qu’elle a elle-même rédigée, AFNOR Certification se définit comme telle :
AFNOR Certification est une société délivrant des signes de confiance.
Page Wikipedia autorédigée Tweet
Il semble donc qu’au sein du Groupe AFNOR, deux visions s’opposent :
- Celle des qualiticiens qui rédigent des normes
- Celle des commerciaux et des auditeurs qui vendent des certifications sans lire les normes
Pour un professionnel ce serait dommage de se priver de ces labels de complaisance, pour un consommateur en revanche, attention aux mauvaises affaires !